Vendredi, 15 août 2025
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    Hochelaga, centre de Montréal et du monde : “ARABESQUES” de Pierre Samson

    Pierre Samson n’est pas un inconnu pour les lecteurs de Fugues. On a parlé ici de ses œuvres plusieurs fois. Rappelons que l’auteur a commencé sa «carrière» littéraire par un coup de maître avec Le messie de Bélem, en 1996 (le livre a été réédité dans la collection «Territoires» des Éditions Les Herbes rouges, en 2005). 

    Ce roman sera le premier d’une trilogie dite brésilienne, car elle situe ses actions au Brésil; elle comprend Un garçon de compagnie (1997) et Il était une fois une ville (1999). Dans ce dernier livre, si on le relit attentivement, on retrouvera les traces narratives qui marquent le plus récent roman de Samson, Arabesques. De plus, si on a lu Catastrophes (2007), on ne manquera pas de constater encore les liens stylistiques qui unissent ces deux livres : un récit qui se délie – pour ne pas dire : se défoule – avec un art consommé de la langue qui s’emporte dans les métaphores et un vocabulaire riche, recherché même.

    Sauf qu’Arabesques abandonne le côté pamphlétaire, et parfois cynique, du précédent. On sent que Pierre Samson a voulu, ici, écrire un hymne à Montréal et, en particulier, au quartier Hochelaga où il a vécu une partie de son enfance, et qui devient ainsi le centre du monde. Le récit n’a toutefois rien de nostalgique, ni voire d’autobiographique. Il se distingue entre les entrelacs de l’intrigue par une tendresse certaine pour les personnages, tendresse qui appelle aussi la sensualité – qui, déjà, se manifeste dans le maniement presque performatif de la langue.

    Il est difficile de résumer l’histoire dans laquelle nous entraîne l’auteur tant ce roman se compose de thèmes et de variations que guide une liberté totale dans leurs agencements et une douce folie dans leurs déploiements. L’intrigue est fluctuante, papillonnante, caméléonesque, mais ses contours et personnages sont précis. Il s’agit simplement de savoir que s’y trouvent plusieurs narrateurs et que leurs voix, qui s’entrecoupent et se complètent, sont indiquées par une numérotation singulière des chapitres.

    Avec «1», vous avez le narrateur Pax, le «2» Youssi, le «4» Margot, etc. Chacun parle et digresse, accumule et commente faits et gestes, présents et passés. On part de l’époque actuelle pour arriver au temps de l’après-guerre, ce qui permet au romancier de dessiner une topographie de Montréal que les gens de 50 ans se rappelleront avec émotion, ce qui fait, entre autres choses, le charme de ce roman.

    Certaines pages sont éblouissantes, et parfois, comme dans le récit – numéroté 2.6.1.0 — que tient Youssi de Keith au Brésil, traversées par un fort érotisme. S’y mêlent inextricablement moult sentiments, de la délicatesse au découragement, de la joie coupable à la désolation incurable. Désirs, frémissements, caresses, goûts sexuels, plaisirs.

    Tout y est, de la rencontre évoquée de Keith avec un jeune «prostitué» carioca. Pages sublimes – et qui ne sont pas les seules de ce roman bien décidé à emprunter à la figure de l’arabesque toute sa complexité : sinuosités et répétitions, symétries et oppositions, dans un art du raffinement extrême qui se joue de la simplicité et de l’alambiqué, de la structure libre et de l’arrangement étudié.

    Les arabesques de Pierre Samson se veulent l’expression d’un amoureux urbain qui emprunte au monde des sens toutes les possibilités pour exprimer son affection de Montréal et de la destinée particulière des habitants d’Hochelaga, unis dans une grégarité aussi fantaisiste qu’elle est choisie. Un hommage puissant et touchant.

    ARABESQUES / Pierre Samson. Montréal : Les Herbes rouges, 2009. 503p.

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