Depuis cinq ans, je regarde Love is Blind comme un sociologue curieux de découvrir les travers ignobles et les comportements inspirants des couples qui se forment sous nos yeux. En visionnant la huitième saison, j’ai frétillé de joie en voyant deux femmes refuser de marier leur amoureux en raison de leurs idées conservatrices.
Commençons par aborder l’éléphant dans la pièce : le concept de cette téléréalité est parfois douteux. On réunit des célibataires qui discutent sans se voir pendant des heures pour voir s’il est possible de tomber amoureux ainsi. Cette portion de l’émission est intéressante : les candidat.e.s mettent de côté leur apparence, multiplient les conversations en profondeur et font preuve d’ouverture et de vulnérabilité. Toutefois, iels doivent ensuite se demander en mariage avant de se rencontrer. Et prendre leur décision finale à l’autel, devant famille et ami.e.s, 40 jours plus tard. C’est d’un ridicule ! À la place, ils pourraient connecter sans se voir, se rencontrer dans le vrai monde et vérifier si leurs sentiments se concrétisent en relation durable.
Mais revenons à nos moutons. Le premier couple qui a attiré mon attention était formé par Ben et Sara. Énergiques, joviaux, complices, on les croyait parti.e.s pour la gloire. Jusqu’à ce que Sara parle de sa sœur lesbienne pour s’assurer de l’ouverture d’esprit de son futur fiancé, très investi dans la religion. Il a répondu qu’il acceptait totalement la communauté LGBTQ+ et qu’il avait des amis queers, mais il a trébuché quand Sara l’a questionné sur la première présidence de Donald Trump et le mouvement Black Lives Matter (BLM). En toute candeur, il a répondu qu’il était ignorant à ce sujet, qu’il n’avait pas voté aux dernières élections et qu’il se tenait en dehors des discussions sur BLM.
Drapeau rouge ! Pour Sara, il est primordial que son éventuel mari s’intéresse aux droits humains et à l’égalité. Malgré ses appréhensions, elle a continué le processus avec Ben, qui lui promettait de s’informer et de grandir. Ce qu’il n’a pas fait. Par amour pour lui, Sara s’est rendue à un service religieux pour voir si elle-même pouvait s’ouvrir à ce qui importe à son amoureux. Pas très à l’aise, elle a ensuite visionné des messes en ligne pour connaître les visions de cette église sur les communautés queers. Sans surprise, ça suintait le rejet et la fermeture. Ce que Ben disait — encore — ignorer. Parce qu’il ne réfléchit pas à ces questions…
Deuxième couple : Devin et Virginia. On les croyait inébranlables, tendres et doux. Il s’était ouvert sur des portions sombres de son passé et elle l’avait accueilli avec empathie. Les étapes suivantes semblaient les mener vers le mariage. Mais non ! Virginia a senti que Devin n’était pas prêt à se marier, car il évitait de s’exprimer en détail sur de nombreux sujets, dont certaines questions politiques. Quand elle a affirmé soutenir le droit à l’avortement et les droits LGBTQ+, en vérifiant s’ils votaient pour le même parti, il a détourné le sujet en référant vaguement à l’Église. Et lorsqu’elle a découvert que la famille de Devin votait pour le clan conservateur (lire ici : les Républicains), son trouble s’est accru. Au point de refuser de se marier.
Je l’avoue : j’ai applaudi dans mon salon. Ces deux hommes, malgré d’innombrables qualités humaines, ont payé pour leur ignorance, leurs valeurs de fermeture et leur refus de s’informer. Les analystes diront que ces situations sont le reflet du clivage politique grandissant aux États-Unis. D’autres affirmeront que des amoureux n’ont pas à avoir les mêmes opinions sur tout et qu’il existe des couples dont les partenaires ne votent pas de la même façon.
Oui, mais non. Je n’accepte pas la facilité de cette réflexion. Il faut aller plus loin. On doit faire la différence entre deux individus qui n’ont pas la même opinion sur un film et deux personnes qui ont des valeurs fondamentalement différentes. Jamais, ô grand jamais, je ne pourrais être en couple avec un homme raciste, anti-choix, sexiste et qui n’accorde aucune attention aux grands courants de société, parce qu’il est assis dans le confort de ses privilèges.
Avec les élections fédérales prévues le 28 avril 2025 et les élections provinciales annoncées pour le 5 octobre 2026, les membres de nos entourages ont l’occasion de démontrer s’ils se soucient vraiment des vies queers, des femmes, des personnes issues de cultures différentes de la leur et plus encore. C’est le moment de scruter ce qu’affirment les représentant.e.s des différents partis, d’analyser les plateformes électorales et de se demander à quel point les droits humains sont importants à leurs yeux.
Si ces gens préfèrent croire que leur épicerie et leur loyer coûteront moins cher parce que les politicien.ne.s leur rabattent les oreilles avec les enjeux trans et non binaires. Si ces gens croient que les préoccupations du Québec sont mieux défendues par des partis qui versent de l’huile sur le feu des conflits identitaires. Si ces gens votent pour des formations politiques qui veulent et qui vont mettre en danger nos vies, nos droits et notre santé mentale. Vous saurez alors quelles sont leurs priorités.