Jeudi, 14 août 2025
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    Ute Lemper canalise l’essence de Marlene Dietrich

    L’artiste emblématique Ute Lemper présente son one-woman-show de renommée internationale, Rendez-vous avec Marlene, à Montréal et à Québec.

    La carrière de Ute Lemper, longue de plusieurs décennies, s’étend sur la scène, le cinéma et la musique, avec plus de 30 enregistrements à son actif, dont son nouvel album Pirate Jenny, qui célèbre le 125e anniversaire du compositeur révolutionnaire Kurt Weill, près de 40 ans après son album à succès, Ute Lemper Sings Kurt Weill.

    Célèbre pour ses interprétations de Cabaret berlinois, de Kurt Weill, de Brecht et de légendes de la chanson comme Marlene Dietrich et Édith Piaf, la superstar allemande, nommée aux Grammy Awards, a également joué dans de grandes comédies musicales à Broadway, dans le West End, à Paris et à Berlin. Lorsque Ute Lemper a remporté le Molière pour son interprétation de Sally Bowles de Cabaret à Paris en 1987, des critiques enthousiastes l’ont comparée à Marlene Dietrich.

    Lemper a donc envoyé une carte postale à Marlene pour s’excuser de l’obsession médiatique. Puis, un jour, sans prévenir, Marlène l’a appelée. L’icône du showbiz et la légende montante ont discuté pendant plus de trois heures. Cet appel est devenu le point de départ de Rendez-vous avec Marlène.

    Ute Lemper présentera son spectacle solo au Théâtre Outremont à Montréal le 20 mai et au Palais Montcalm à Québec le 22 mai. J’ai récemment discuté, avec l’artiste basée à New York, de sa carrière légendaire.

    Votre mère, chanteuse d’opéra, vous a-t-elle initiée très jeune au piano, au chant et au ballet ?
    Ute Lemper : Ma mère m’a dit : « Tu devrais apprendre le piano. » C’est tout. Puis, à six ans, j’ai dit à ma mère : « Il faut que j’apprenne la danse classique », et c’est ce que j’ai fait. J’avais une idée très claire de ce que je voulais. Adolescente, je voulais aussi apprendre à chanter. J’avais un groupe de jazz et de rock à l’époque, et à 18 ans, après le secondaire, je savais que je voulais étudier le théâtre et continuer à pratiquer la musique, le chant et la danse.

    Intellectuellement, j’étais une rebelle, j’avais besoin de suivre ma propre voie, loin du monde bourgeois dans lequel je vivais. Je voulais vivre dans la grande ville et découvrir la réalité de la Guerre froide. Il y avait beaucoup à apprendre pour une jeune Allemande à cette époque. Mon déclic s’est produit lorsque j’ai déménagé à Berlin en 1984 et que j’ai commencé à chanter la musique de Kurt Weill. J’ai ressenti un lien fort avec ce compositeur juif allemand, ostracisé et persécuté par les nazis. C’était une histoire qui me tenait à cœur, et je voulais la raconter aux gens de ma génération et protéger l’héritage musical de la République de Weimar. L’histoire de Marlene Dietrich s’inscrit dans le prolongement de cette mission.

    L’expérience berlinoise a-t-elle influencé votre interprétation de Sally Bowles dans la célèbre production parisienne de Cabaret en 1987 ?
    Ute Lemper : Cabaret était un spectacle que j’adorais. Petite, je le chantais à tue-tête dans mon salon ! Sally, qui n’est pas une personne politique, était une femme qui réclamait la liberté et le bonheur au cœur d’une vie profondément hantée. J’adorais ce personnage. J’avais 22 ans, presque 23 ans, lorsque le metteur en scène Jérôme Savary m’a demandé d’incarner Sally à Paris en français. C’était un défi incroyable !

    Liza Minelli a assisté à votre première au Théâtre Mogador…
    Ute Lemper : J’ai été tellement émue et émerveillée de la rencontrer. Je suis une fan d’elle depuis mon enfance !

    Votre spectacle Rendez-vous avec Marlene est inspiré d’une conversation téléphonique de trois heures que vous avez eue avec Dietrich. Quelle a été votre réaction lorsque vous avez décroché le téléphone et que c’était Marlene ?
    Ute Lemper : Elle avait entendu parler de moi. Marlene n’avait pas quitté son appartement parisien, entouré de souvenirs, depuis des années. Elle ne voulait pas montrer son visage vieillissant en public. Mais elle était toujours au téléphone. C’était son lien avec le monde extérieur. Elle était au téléphone avec Margaret Thatcher, Ronald Reagan et Gorbatchev. Elle parlait avec ses amis préférés, comme Billy Wilder et Frank Sinatra.

    Quand les journaux ont dit que j’étais « la nouvelle Marlene », j’imagine que la comparaison était plutôt celle d’une jeune Allemande en quête d’une carrière internationale. Mais je me suis dit : « Mon Dieu, quelle légende, cette diva hollywoodienne, cette femme incroyable ! » J’ai donc pris la liberté de lui écrire une lettre pour m’excuser des comparaisons et lui exprimer mon admiration. Marlene a trouvé mon hôtel et la réceptionniste m’a dit qu’elle me rappellerait dans 10 minutes. J’ai donc attendu dans ma chambre. Le téléphone a sonné au bout de quelques minutes. Marlene m’a partagé des conseils et des anecdotes sur sa vie. Elle avait des souvenirs précis de personnes, d’amants, de collaborateurs, et était profondément blessée d’être ostracisée par l’Allemagne. Je la trouvais amère, mélancolique et très émotive. Pourtant, cette femme solitaire était d’un charisme saisissant.

    Vous aviez 24 ans et Marlene 87. Mais vous aviez beaucoup en commun, notamment peu d’affection pour votre patrie…
    Ute Lemper : Oui, mais c’était une autre époque. La conversation serait probablement très différente aujourd’hui, car l’Allemagne est manifestement devenue un pays très responsable. Nous parlions de l’Allemagne dans laquelle j’ai grandi.

    Vous avez également joué aux côtés d’une autre icône de la pop, Chita Rivera, lors de l’avant-première de Chicago à Las Vegas en mars 1999. Comment était-ce ?
    Ute Lemper : Elle était incroyable ! Elle avait déjà la soixantaine. Elle était incroyablement charismatique, charmante et avait tellement de talent sur scène. Ce fut un grand honneur de la rencontrer et de jouer avec elle.

    Des artistes comme Chita Rivera, Marlene Dietrich et vous-même ont un public gai très fidèle. Qu’est-ce qui fait qu’Ute Lemper a séduit le public gai ? Est-ce sa voix puissante ? Son grand cœur ?
    Ute Lemper : J’espère que c’est un peu de tout. Vous savez, dans les années 1980, quand j’étais imitée par un travesti, j’ai rapidement compris que les artistes drag adoraient les femmes glamour, intemporelles et fortes. Je pense aussi que mon lien avec le public gai a été renforcé par les chansons du cabaret berlinois qui célèbrent la liberté d’expression et la liberté sexuelle.

    À Québec et à Montréal, votre spectacle « Rendez-vous with Marlene » s’intitule « Rendez-vous avec Marlene ».
    Ute Lemper : En France, j’ai fait le spectacle en français, mais je pense que ces spectacles seront multilingues. Il y a un peu d’anglais.

    Que ressentez-vous lorsqu’on vous qualifie de légende vivante ?
    Ute Lemper : Je ne le sais pas, mais j’entends de plus en plus de jeunes artistes me remercier pour mes enregistrements de chansons du cabaret berlinois qui ont inspiré une nouvelle vague d’artistes rendant hommage à la République de Weimar et à la culture révolutionnaire du Berlin des années 1920. Je suis heureux que ces chansons aient trouvé un nouveau jeune public.

    INFOS | Ute Lemper sera à l’affiche de Rendez-vous avec Marlène au Théâtre Outremont de Montréal le 20 mai et au Palais Montcalm de Québec le 22 mai.
    https://www.utelemper.com

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