Cette élection est cruciale pour les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, queer et trans au Canada, surtout à un moment où nos voisins du Sud ne peuvent plus être considérés comme une démocratie à part entière, et où l’influence de leur gouvernement de plus en plus autoritaire commence déjà à se faire sentir ici. Il est essentiel d’élire un gouvernement capable de résister à ces dérives plutôt que de s’y abandonner pour des gains électoraux. À quelques jours du scrutin, qu’en est-il des enjeux LGBTQ+ et quel genre de soutien pouvons-nous espérer de chacun des partis ?
Nous avons passé à travers les différentes plateformes électorales et avons fait le tour des déclarations publiques pré-campagne et durant la campagne.
Notons que les plateformes des principaux partis politiques ont toutes été publiées extrêmement tard dans cette campagne électorale, ayant apparemment décidé d’attendre la fin des débats, peut-être par crainte d’être interrogés sur les détails de leurs plans en direct à la télévision.
Le vote anticipé avait déjà commencé (avec une participation record) lorsque les Libéraux, le Bloc et le NPD ont publié leurs plateformes et les estimations budgétaires associées.
PARTI CONSERVATEUR DU CANADA
Les Conservateurs ont publié leur propre plateforme « chiffrée » qu’après la clôture du vote anticipé, ce qui renforce l’impression d’un certain cynisme à l’égard de sa propre plateforme électorale. Les plateformes sont importantes, car elles envoient des signaux clairs sur la cohérence des convictions d’un parti lorsqu’elles sont considérées dans leur ensemble.
En résumé, la plateforme conservatrice est un fouillis incohérent de déclarations trompeuses sur ce que les Libéraux auraient fait au cours des dix dernières années, ainsi que de calculs économiques extrêmement douteux, misant notamment sur des projections de croissance irréalistes qu’ils pensent pouvoir atteindre simplement en réduisant les impôts et en déréglementant.
Le document ne fait aucune mention explicite des personnes queer, mais contient une référence indirecte aux femmes trans. Sous la rubrique « Rétablir la sécurité publique », Poilievre promet de « défendre la sécurité des femmes en abrogeant la Directive 100, qui permet à des délinquants de sexe masculin (en processus de transition) d’être incarcérés dans des prisons pour femmes, et de veiller à ce que les espaces et services destinés aux femmes demeurent protégés dans les institutions et les politiques fédérales. »
Poilievre s’inspire de la rhétorique de Donald Trump aux États-Unis, selon laquelle attaquer les droits des personnes trans est une stratégie politique gagnante auprès de l’électorat qu’il cherche à séduire. Cela s’inscrit dans un schéma plus large de stigmatisation des communautés LGBTQ2S+, souvent utilisé par les régimes autoritaires.
Il faut aussi souligner que, bien que Poilievre ait promis dans sa plateforme de ne pas légiférer sur l’avortement, il a voté en faveur de projets de loi visant à accorder des droits aux fœtus, une stratégie indirecte pour introduire des restrictions à l’avortement.
Plusieurs médias ont également noté que Poilievre avait atténué la promesse de combattre « l’idéologie woke » dans la version anglophone de sa plateforme, alors qu’elle figurait dans une version résumée, spécifique au Québec, publiée plus tôt. Il a ensuite réintégré cette promesse, affirmant qu’il s’agissait d’un « oubli de publication ».
Il convient également de rappeler que, pendant la campagne électorale, Pierre Poilievre a réitéré sa promesse d’invoquer la clause dérogatoire pour contourner une décision de la Cour suprême du Canada ayant invalidé les peines de prison à vie consécutives pour les auteurs de meurtres de masse — bien que ce point ne soit pas clairement énoncé dans le document de la plateforme. Il s’agit vraisemblablement d’un cas test particulier, car il n’a probablement jamais vraiment été question des meurtriers de masse, qui ne seront de toute façon jamais libérés. Il s’agit plutôt de les utiliser comme prétexte pour affaiblir les droits garantis par la Charte : dès qu’il devient socialement acceptable d’invoquer la clause pour s’attaquer à un ensemble de droits, il devient plus facile d’en attaquer d’autres, que ce soit les droits des femmes trans ou ceux d’autres groupes.
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PARTI NÉO-DÉMOCRATE
La plateforme du NPD consiste en une série d’« engagements » que le parti néo-démocrate entend faire respecter par le gouvernement, Jagmeet Singh étant conscient qu’il ne formera pas le prochain gouvernement.
Cette approche part du principe — très optimiste — que le NPD pourra détenir la balance du pouvoir dans le prochain Parlement, alors qu’en réalité, le parti pourrait même ne pas obtenir le statut officiel. Rappelons qu’un parti qui compte moins de 12 députés ne peut pas siéger aux comités parlementaires, ce qui le prive de ressources parlementaires importantes.
Singh mène une campagne défensive dans les circonscriptions déjà détenues par son parti, implorant les électeurs de préserver les sièges des députés sortants, et affirmant que leur présence est essentielle pour demander des comptes aux Libéraux.
La liste de ses engagements reste quasiment muette sur les enjeux queer et trans, se résumant à une seule ligne sous le titre « Protéger ce qui fait de nous des Canadiens », où l’on peut lire : « Nous prendrons de nouvelles mesures pour protéger la diversité au Canada, y compris en soutenant les communautés 2SLGBTQI+ de plus en plus exposées à la haine et à la violence. »
Notons qu’une grande partie de leur plateforme empiète sur les compétences provinciales, notamment en matière de santé et en promettant un contrôle national des loyers ce qui n’est pas de juridictions fédérales, tout en esquivant cet aspect.
La plateforme politique du Nouveau Parti démocratique (NPD) habituellement met l’accent sur la défense et la promotion des droits des personnes 2ELGBTQI+, avec un engagement particulier envers les communautés transgenres et bispirituelles. Il y a un an, le NPD s’engageait à collaborer avec les provinces pour garantir un accès uniforme aux soins d’affirmation de genre, y compris les chirurgies et les traitements hormonaux, en les intégrant aux régimes publics d’assurance-maladie. Le parti proposait également de financer des refuges pour les jeunes transgenres et de supprimer les obstacles systémiques dans les services publics fédéraux.
Face à la montée des discours haineux et des actes violents envers les personnes 2ELGBTQI+, le NPD avait présenté l’an dernier une motion exhortant les dirigeants politiques à condamner fermement ces comportements et à protéger les institutions démocratiques, telles que les conseils scolaires, contre les perturbations motivées par la haine. Le NPD avait même soumis, en 2024, 29 recommandations visant à améliorer les soins de santé pour les personnes transgenres, notamment en augmentant le financement des organisations trans et en renforçant la sécurité publique. Ces recommandations ont été élaborées en consultation avec la communauté transgenre.
Deux des revendications passées du NPD, deux ont été adoptées par les libéraux : l’interdiction des thérapies de conversion et la fin de l’interdiction discriminatoire du don de sang.
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PARTI LIBÉRAL DU CANADA
La plateforme électorale du Parti libéral du Canada pour les élections fédérales de 2025, continue de promouvoir les droits et l’inclusion des communautés 2ELGBTQI+. Bien que les documents de campagne de Mark Carney mettent principalement l’accent sur des enjeux économiques, de défense et de souveraineté nationale , les engagements antérieurs du parti en faveur des droits LGBTQ+ restent pertinents et sont mentionnés concrètement dans la plateforme.
Comme le NPD, Mark Carney s’est engagé à maintenir les fonds de sécurité spécifiquement destinés aux organisations de la Fierté, des fonds distribués par Fierté Canada Pride et mis en place par le gouvernement en juin 2023.
Le parti promet également de rendre permanent (ou du moins aussi permanent que peut l’être un programme gouvernemental) le Fonds de développement des capacités communautaires 2ELGBTQI+ afin de soutenir les organismes communautaires et les réseaux qui protègent les droits et favorisent l’égalité à travers le Canada.
On retrouve aussi la promesse d’instaurer un nouveau programme de fécondation in vitro (FIV) qui offrirait jusqu’à 20 000 $ pour un cycle standard, afin d’en améliorer l’accessibilité — une mesure particulièrement importante pour les personnes LGBTQ2S+, souvent confrontées à des obstacles particuliers à cet égard. Toutefois, notons que ce programme devra être mis en œuvre en collaboration avec les provinces, puisque celles-ci sont responsables de la prestation des soins de santé.
À l’international, les Libéraux promettent un financement supplémentaire pour le Programme d’aide internationale LGBTQI+, qui vise à « soutenir les personnes LGBTQI+ persécutées à l’étranger, promouvoir l’égalité mondiale et collaborer avec des organisations internationales ». Cela s’inscrit dans la volonté de Mark Carney de voir le Canada assumer un rôle de leadership mondial pendant que les États-Unis se retirent de la scène internationale.
La plateforme prévoit également une expansion du Partenariat d’aide aux réfugiés arc-en-ciel.
Marc Carney a, à quelques reprises durant la campagne, exprimé son intention de défendre la Charte canadienne des droits et libertés, de protéger les valeurs sur lesquelles elle est fondée qui sont menacées et de garantir la protection des femmes, des personnes handicapées, des communautés racisées et autochtones, et des personnes 2SLGBTQI+.
Par ailleurs, conscient que les patients canadiens attendent trop longtemps l’approbation de Santé Canada pour des médicaments — comparativement aux patients de pays comparables — le Parti Libéral s’engage à réduire considérablement les délais d’attente pour des médicaments vitaux.
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BLOC QUÉBÉCOIS
La «boussole électorale» a placé le Bloc Québécois plus près des Conservateurs que des Libéraux ou des néo-démocrates sur deux enjeux LGBTQ : les deux seuls enjeux queer ou trans considéré comme prépondérants parmi les enjeux de l’élection fédérales de 2025, toutefois loin dernière la question de la menace des politiques de Donald Trump.
Cela dit, à ce jour, le Bloc Québécois n’a pas publié de position officielle concernant la prescription d’inhibiteurs de puberté chez les adolescents transgenres. Aucune déclaration publique, proposition de loi ou prise de position claire de la part du parti, du chef ou de ses candidats sur ce sujet spécifique n’a été identifiée. En l’absence de position explicite, il est difficile de déterminer l’orientation précise du Bloc Québécois sur cette question. Il est très possible que le parti considère ce sujet comme relevant des compétences provinciales, notamment en matière de santé, et préfère laisser ces décisions au gouvernement du Québec.
Par ailleurs, les interventions publiques de Jean-François Blanchet sur les questions liées à l’identité de genre ont principalement porté sur la participation des personnes transgenres aux compétitions sportives féminines, où il a exprimé le besoin d’un débat parlementaire éclairé par la science pour établir des lignes directrices claires.
À la demande de l’Alliance LGBTQ de Québec, qui demandait au Bloc Québécois (et aux autres partis) ce qu’il prévoyait faire, concrètement, «pour démontrer son soutien aux communautés 2SLGBTQ+ au cours du prochain mandat», le parti a répondu que «le Bloc Québécois est un allié historique de la communauté, qui a toujours été à l’avant-garde de la défense et de la promotion de la diversité sexuelle. Le député du Bloc Québécois Réal Ménard, ayant siégé de 1993 à 2009, est un personnage incontournable de l’histoire communautaire. Il a été au cœur des luttes pour la reconnaissance des conjoints de même sexe et sur les politiques sanitaires dans la lutte contre le sida. Il a avancé des projets de lois pour faire reculer la pauvreté et décriminaliser le travail du sexe, notamment. Compte tenu que les droits ayant évolués plus rapidement au Québec que dans le reste du Canada, le Bloc Québécois doit constamment lutter et continuera de le faire, pour freiner les reculs proposés par la droite religieuse au Canada. Toute personne devrait pouvoir vivre comme il l’entend et l’état n’a pas à se mêler de la façon dont les gens pratiquent leur sexualité ou alors sur la façon dont les gens se perçoivent eux-mêmes. Ceci relève, selon nous, de la sphère privée et chaque personne devrait avoir accès aux mêmes droits et aux mêmes services.»
Cela dit, nulle part dans les 32 pages de la plateforme bloquiste, on ne fait spécifiquement mention des réalités ou enjeux spécifiques aux personnes LGBTQ+. Il faut le noter.
À la question suivante de l’Alliance LGBTQ de Québec «Comment allez-vous assurer un financement adéquat des organismes communautaires œuvrant pour les communautés 2SLGBTQ+, principalement ceux situés hors des grands centres?», le Bloc Québécois a répondu : «Quant à l’aide aux organismes communautaires œuvrant pour les communautés 2SLGBTQ+, comme pour tout autre type d’organismes, nous favorisons les transferts sans condition à Québec pour le financement des affaires sociales et des groupes communautaires.Le Québec a son propre modèle d’économie sociale et solidaire. La politique de reconnaissance et de soutien de l’action communautaire place les organismes communautaires au centre des pratiques sociales québécoises et reconnaît leur rôle dans le développement social et économique du Québec tout en maintenant leur autonomie et leur pouvoir d’initiative. C’est pourquoi le Bloc Québécois prône des transferts sans condition à Québec qui n’a pas à se soucier constamment de la droite religieuse du ROC.»
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PARTI VERT DU CANADA
Dans le cadre des élections fédérales de 2025, le Parti Vert du Canada, à travers son plan « Construire un avenir meilleur », aborde plusieurs enjeux LGBTQ+ de façon explicite et engagée. Le parti s’inscrit dans une volonté de bâtir un pays plus inclusif, équitable et respectueux des droits de toutes les personnes, notamment celles issues des communautés 2ELGBTQI+. Voici les principaux enjeux abordés qui se fairaient en collaboration avec les provinces, puisque celles-ci sont responsables de la prestation des soins de santé et de l’éducation…
Pour lutter contre la haine et la discrimination, le Parti vert s’engage à : renforcer les lois contre les crimes haineux, incluant ceux visant les personnes LGBTQ+; augmenter le financement des organismes communautaires 2ELGBTQI+ qui œuvrent à la prévention de la violence et à l’inclusion sociale; condamner les actes de haine et les politiques qui marginalisent les jeunes trans ou non binaires, particulièrement dans les systèmes scolaires.
Pour un accès équitable aux soins de santé affirmant le genre, le parti prévoit : l’intégration complète des soins d’affirmation de genre (thérapies hormonales, chirurgies, soutien psychologique) dans le système de santé public; une formation accrue du personnel médical sur les réalités trans, non binaires et intersexes; des investissements pour améliorer l’accès aux services de santé mentale pour les jeunes LGBTQ+.
Le Parti Vert promeut l’intégration de contenus sur la diversité sexuelle et de genre dans les programmes scolaires; la création d’environnements scolaires inclusifs où les élèves LGBTQ+ se sentent en sécurité et soutenus; des programmes de lutte contre l’intimidation et les discriminations dans les écoles.
Le plan comprend un soutien économique et social aux communautés LGBTQ+. On parle spécifiquement d’un appui aux initiatives de logement, emploi et services sociaux pour les personnes LGBTQ+ marginalisées (notamment les jeunes sans-abri, souvent surreprésentés); et d’un financement accru d’organismes offrant des services d’urgence et de transition adaptés aux réalités queer et trans.
FInalement, le Parti Vert demande une évaluation des lois et règlements fédéraux pour s’assurer qu’ils ne reproduisent pas de biais ou d’exclusions envers les personnes LGBTQ+; et la défense des droits des personnes trans dans tous les secteurs relevant du gouvernement fédéral (identité juridique, accès à l’emploi, sécurité publique, etc.).
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