Depuis son adolescence, Albert Lalonde s’est fait remarquer pour son militantisme dans diverses causes, et plus particulièrement pour son implication dans la lutte contre l’urgence climatique et la justice climatique de manière générale.
Ayant contribué à l’organisation de la Marche pour le climat du 27 septembre 2019 – manifestation qui, selon les membres de l’organisation, est la plus grande de l’histoire du Québec, voire du Canada – cet.te étudiant.e en droit fait aussi partie des 15 jeunes qui poursuivent présentement le gouvernement canadien pour que puisse être reconnue sa contribution aux changements climatiques qui viendraient, de leur point de vue, porter atteinte à l’avenir des jeunes.
Qu’est-ce qui te motive à toujours t’impliquer ? À ne pas arrêter ?
Albert Lalonde : Je suis un peu tombé.e dans la marmite quand j’étais au secondaire. J’ai été aussi élevé.e comme ça dans une certaine mesure. Mais, je pense que dans l’état actuel des choses et du monde, ce qui me drive, c’est que l’espoir c’est profondément politique.
C’est devenu un peu toute ma vie. Il y a un aspect profondément thérapeutique aussi au militantisme, dans l’optique où on est dans un système, une société où on est toujours confronté aux limites de notre pouvoir individuel, et de soudainement avoir joué un rôle dans la construction de ce mouvement de masse qu’il y a eu en 2019, je pense que c’est devenu presque une addiction. En même temps, ça confronte de façon très directe aux limites de son propre pouvoir. Mais, à partir du moment où on renonce, c’est là qu’on a la certitude que les technomilliardaires fachisants vont arriver à leurs fins, pour ne parler que d’un aspect. Donc, c’est la seule chose à faire.
Lorsque l’on se fait définir par son militantisme, est-ce que ça crée de la pression ?
Albert Lalonde : On voit souvent les luttes sociales comme une espèce de don de soi absolu et je pense qu’on a souvent tendance à mettre les personnes qu’on identifie comme militantes sur une espèce de piédestal qui les rend inaccessibles. Et je ne parle pas nécessairement de personnes ben ben connues, des fois c’est juste des gens autour de nous qui nous inspirent. Ça fait en sorte que quand tu es déjà identifié comme militant ou que tu portes ce chapeau-là, on dirait que ça devient vraiment plus difficile de connecter avec le monde.
Ça m’arrive tellement souvent de parler avec des gens et ils t’idéalisent d’une bizarre façon, et souvent ils vont faire leur propre procès avant même que tu ouvres la bouche. C’est niaiseux, mais des fois, c’est des affaires genre : « Désolé, je sais pas si ça va au recyclage ». Je suis comme : « À quel point je m’en câlisse. »
En rétrospective, y a-t-il une chose en particulier dont tu es fièr.e ?
Albert Lalonde : J’allais répondre : non ! (Rires.) On lutte contre des systèmes qui sont
tellement plus grands que nous. Je pense que, à la fin, c’est dur d’évaluer l’impact d’une seule personne. Je me suis longtemps effacé.e derrière le collectif, et je ne me suis longtemps pas donné le crédit de mon travail. Et ça, je pense que c’est une erreur. Je vis un sentiment de fierté à différents moments de ma vie, mais pour moi c’est vraiment les relations qui sont importantes. Il y a vraiment juste des relations. C’est pas mon crédit à moi, c’est un échange.
Penses-tu que la lutte écologique et les luttes pro-LGBTQ+ vont de pair ?
Albert Lalonde : Je pense que si tout le monde est intéressé juste par ses propres droits et qu’on voit les autres revendications des autres groupes sociaux qui sont visés par les mêmes acteurs comme étant des distractions, et bien fondamentalement on n’ira nulle part, si on se throw mutuellement under the bus. La convergence des luttes, j’y crois. Je suis allé.e au secondaire dans Saint-Michel, dans ce qui s’appelle le Petit Maghreb. Il y a cette islamophobie qui fait en sorte que les personnes musulmanes et l’affirmation de leurs droits dans une société qui est censée reconnaître la liberté de culte et les principes de non-discrimination sont perçues parfois comme une menace aux droits des personnes LGBTQA2S+. C’est une espèce de tabou, mais qui est assez répandu. On instrumentalise mes droits pour aller marginaliser et ostraciser les personnes avec qui j’ai grandi, dans un climat serein d’acceptation et d’échange.
Es-tu optimiste face à l’avenir ?
Albert Lalonde : Je pense que ça dépend des choix que les gens vont faire, que nos communautés vont faire et que la société va faire. Concrètement, je pense que c’est tout à fait possible de surmonter la situation dans laquelle on est. Il y a une dimension de l’effondrement climatique qui est inéluctable, mais je pense qu’on est capable de vivre mieux si on y fait face et qu’on s’adapte. Et si on a un projet qui est ancré dans la dignité et la justice. J’ai un optimisme réservé, mais je pense que le fatalisme est notre pire ennemi. Le fatalisme est la seule garantie que tout va s’empirer.
Quelque chose à ajouter ? Particulièrement dans le contexte sociopolitique actuel…
Albert Lalonde : En ce moment, je vois beaucoup de monde préoccupé par ce qui se passe aux États-Unis, par Poilievre, etc. Autant, des fois, c’est fatigant de s’impliquer de façon concrète, mais autant… Moi, dans mon expérience personnelle, il n’y a pas plus misérable que d’être pogné avec ces feelings-là devant son ordinateur. On a une lutte qui s’impose à nous en tant que communauté et on n’a pas le choix de la mener. Ça peut nous apporter des choses et ça peut nous rendre plus forts. Je pense que ce qu’il y a de plus triste, c’est de rester dans notre espèce d’aliénation individuelle et de devoir dealer avec ça tout seul.
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