Les étoiles comme des petits poissons

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Alors que Wendy pleure la mort de sa grand-mère, qui l’a toujours soutenu à travers son processus de transition, elle reçoit un appel étrange qui vient bouleverser les certitudes qu’elle entretenait sur sa famille, plus particulièrement sur Henry, son grand-père.

L’action se déroule à Winnipeg et s’ouvre sur deux éléments qui vont occuper un rôle fondamental tout au long du récit : un groupe de femmes trans qui bambochent dans un bar et un appel téléphonique d’une femme mystérieuse, Anna, qui, à travers quelques mots, fait s’écrouler le château de cartes de la petite histoire familiale de Wendy.

« Vous devez avoir entendu des histoires à propos de Henry. […] Il était comme le fils de Ben. »

Ce qu’Anna ignore, c’est que Wendy était le « fils » de Ben et que, sans le réaliser, elle lui offre ainsi des clés de compréhension sur son insaisissable grand-père. La recherche de cette vérité cachée l’amène ainsi à plonger dans les racines de la culture mennonite, un mouvement chrétien conservateur, dont elle est issue et qui a forgé son enfance et bridé son cheminement identitaire. Le procédé est ingénieux puisqu’il permet au lecteur, via les recherches de Wendy, de pénétrer au sein de son histoire personnelle, mais également de celle de sa communauté et d’en comprendre les intrications.

Par ailleurs, au-delà de cette recherche orientée vers le passé, son groupe d’amies offre un regard avant tout porté vers le présent et le futur et sur la manière dont une femme trans s’y inscrit. Les échanges y sont riches et dynamiques, souvent à bâtons rompus, et explorent autant des questions triviales, souvent fort amusantes, qu’existentielles.

C’est notamment le cas d’une réflexion autour du passage du temps, qui diffère chez les personnes trans. Le décompte des années s’amorce-t-il à la naissance, à partir de la première affirmation de soi, de la prise d’hormones ou du changement d’état civil ? L’une d’elles évoque même que les femmes trans vieillissent différemment de leur contrepartie cis, puisqu’elles meurent souvent avant l’heure.

L’autrice, Casey Plett, met en scène des personnages à la fois profondément complexes et réalistes. Ainsi, bien que le roman regorge de scènes touchantes entre Wendy et son père, un accent est également mis sur l’absence et les beuveries de ce dernier, qui s’inscrivent clairement à la source des problèmes de sa fille. Le récit ne verse cependant jamais dans le misérabilisme, bien au contraire, même s’il prend parfois à la gorge.

Ce serait, par ailleurs, un crime de ne pas souligner l’extraordinaire travail de traduction réalisé par Daniel Grenier, Pascal Raud et Amélia Fiset, qui ont québécisé avec maestria le texte original anglais.

INFOS | Les étoiles comme des petits poissons / Casey Plett. Montréal : Hamac, 2025, 422 p.

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